Je viens de traverser une longue période de turbulences en tout genres, à la fois pratiques et existentielles.
Mes enfants ont eu ce qu’on appelle un passage difficile où ils se réveillaient jusqu’à dix fois par nuit. Du coup, moi aussi j’ai eu un gros passage difficile… ceux qui ont vécu cela me comprennent !
Un deuil étant venu s’ajouter à cela, vous avez une idée assez précise de la situation. Comme si avoir l’esprit fatigué et peiné ne suffisait pas, ayant dû m’absenter plusieurs jours sans mes enfants, j’ai du même coup épuisé tout mon capital « baby-sitter ». Alors, pour ne pas être trop en retard, j’ai travaillé pendant toutes leurs siestes et tous les soirs pendant presque une semaine. Debout à 7 heures, couchée à minuit, sans aucune interruption et aucune nuit calme… Au final, j’ai l’air de ce que je suis : fatiguée.
Fatalement, ce qui devait arriver est arrivé : ma fatigue a laissé place à une belle période de doutes concernant la qualité de cet ouvrage. Une correspondance avec une lectrice allemande a fini de m’achever car ses remarques étaient tellement pertinentes que je me demandais si j’étais à la hauteur de mon projet.
Mais dans ce doute, j’ai eu la chance d’être écoutée par deux autres auteurs qui ont su trouver les mots justes : à la fois Fred Campoy qui me disait que lorsqu’il vit ces moments là, il se pose deux questions : « quelle était mon intention de départ ? Est-ce que j’y suis parvenu ? » Et puis mon cher ami Gibrat qui, devant une belle assiette de coquillettes au jambon ( ! ), me disait avec beaucoup d’intelligence et un sens de la formule exquis, ( fidèle à lui-même ! ) que l’essentiel est de faire au mieux le livre que je peux faire, et ne pas m’encombrer l’esprit à essayer de faire le livre idéal, sous peine d’aller au casse-pipe.
A cela se sont ajoutés le mail très gentil d’un lecteur de ce carnet de bord ( merci Alain ! ) et le commentaire de Loisel qui, après avoir lu le second chapitre, m’a dit avoir eu l’impression d’y être intelligent !
Je crois que l’essentiel est effectivement dans tout ça.
En tout cas, je fais ce livre dans un grand élan de bonheur et je redécouvre avec une certaine naïveté le plaisir d’exister à travers une création très personnelle. Ce qui fait que « je suis », au sens mystique du terme. J’en parlais avec Loisel il y a quelques jours et il me disait bien connaître ce sentiment là qui, hélas, n’arrivait pas assez souvent… et, Gibrat, lui, me disait n’avoir ressenti cela que lors de la réalisation du « Sursis ». Uniquement là.
Il découle de cela tout un tas de sentiments essentiels, comme celui d’avoir trouvé ma place.
D’ailleurs, pour la première fois, j’ose me mettre en avant. Cela se sent dans la formulation même des questions où je ne crains pas de dire « je » et d’affirmer certains de mes points de vue sur lesquels il rebondit, évidemment. Mais il faut surtout que je fasse attention à bien rester à ma place d’intervieweuse pour que vous ne vous sentiez pas exclus de la conversation quand vous lirez le livre. J’ai lu un jour un recueil d‘entretiens avec Uderzo et le journaliste était insupportable, du type Laurent Boyer, l’ami des stars.
Dans mon cas, si je me mets en avant, ce n’est pas gratuit. Dans le livre sur « la Quête », vous aviez aimé justement ce ton simple et vivant. Là, comme nous ne sommes que tous les deux, le ton doit être plus intimiste. Je dois donc me positionner autrement.
Comme je suis convaincue que la qualité des entretiens dépendra en grande partie de notre complicité, je dois donc absolument ne pas rester à distance pour donner un ton de confidence qui, je l’espère, fera le charme de ce livre.
Et je ne vous parle même pas du facteur homme/femme qui, comme chacun sait, change tout dans une conversation !…
Ce livre sera le reflet précis de mon regard sur cet homme là, tel qu’il se dévoile lorsqu’on est ensemble. Je vous donne juste à être la petite souris qui entend une de nos conversations, quand on parle de lui, et de son boulot.
En espérant que cela vous plaise…
A bientôt,
Christelle
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