Il s’en est passé des choses depuis mon dernier texte…
Tout d’abord, sachez que la liste des auteurs sélectionnés pour les hommages à Clochette est close. Pour le moment… Ils sont 17, d’horizons très différents. Le dernier en date n’a jamais fait de bande dessinée et si je lui ai demandé de faire partie de ce projet, c’est parce que j’ai eu un vrai coup de cœur pour son travail. Le style de cet illustrateur s’apparente davantage à celui des naturalistes du 18ème siècle, et il traite l’univers féerique de superbe façon. Je suis tombée sur une de ses affiches éditée par Maghen, et j’ai littéralement craqué. Depuis, je me rends compte que tous les auteurs le connaissent. Loisel lui a même acheté un original. Par chance, cet illustrateur dont je tairai jusqu’au bout l’identité, a un gros faible pour la fée Clochette. C’est même sa fée préférée. Je suis très honorée qu’il ait accepté. Vraiment. Si vous voulez deviner son nom, sachez que même celui-ci sonne comme un nom du 18ème siècle… Allez, ce n’est pas difficile, vous devriez trouver facilement. Quant aux autres, ils ne dépareillent pas et j’ai vraiment hâte de voir ce qu’is feront de Clochette. Le but est, je vous le rappelle, qu’ils en fasse une interprétation très personnelle, ne reprenant de celle de Loisel qu’un détail. Pour le moment, j’en ai reçu deux… Je viens d’envoyer à tous un courrier dit officiel leur rappelant tous les termes du contrat et surtout, de me signer une autorisation de vendre aux enchères leurs originaux dont ils auront eux-mêmes fixé un prix de départ, histoire que cela ne fasse pas la joie de quelques spéculateurs…
Hier, je suis également allée voir le maquettiste de Vents d’ouest, qui m’a fait quelques propositions… professionnelles, evidemment. Le but était de définir avec lui l’esprit de la maquette. Nous avons travaillé ensemble une douzaine de doubles pages où la tendance est à la sobriété, tout en conservant l’esprit de maquette des albums et une petite touche de fantaisie. On a du faire des choix jusque dans les moindres détails, du type « combien de colonnes ? quelle typographie pour l’interview ? Quelle typographie pour les extraits du roman qui vont jalonner tout l’ouvrage ? Comment signaler la pagination ? Est-ce qu’on la met en couleur ? Es-ce qu’on garde une même couleur pour tout le livre sur ce qui l’est ou change-t-on à chaque chapitre ? Les numéros de chapitre : en chiffre romain ou pas ?… Les questions sont infinies, et les réponses le sont encore plus… Finalement, on ne s’encombre pas à partir dans diverses directions : dès qu’on trouve quelque chose qui va bien, on passe à autre chose et l’esprit de la maquette se définit dès lors tout seul, de manière tout à fait empirique.
Vous voyez sur cette page quelques images qui illustrent l'esprit de la maquette. Les documents ne sont pas encore à leur bonne place, nous avons du piocher dans notre banque de donnée pour simuler la maquette. On a donc cherché à représenter quelques cas de figure pour donner des repères au second maquettiste. Voyez, cela fonctionne en double page : quand l'une est chargée, l'autre est allégée, etc... Ce qu'est qu'une question d'équilibre des masses, en fait. Tout le secret est là. Pour ce que j'en sais en tout cas.
Inutile de chercher à lire le texte, mon super webmaster a en principe tout fait pour qu'il soit illisible. Je vous en montre déjà suffisamment pour que vous me pardonniez cette vilenie...
J’ai la chance d’avoir travaillé avec un maquettiste, Christian, qui sait se mettre au service de mes attentes, tout en y mettant son grain de sel. J’espère qu’il y trouve son compte, sinon ça doit être difficile pour lui. Pour ce qu’il m’en a dit, ça lui plaît bien. Ce qu’on a défini me plaît à moi aussi. Mais, alors que je voulais quelque chose qui s’approche de la maquette du livre sur « la Quête », je m’aperçois que ça n’a rien à voir. Nous avons travaillé avec ce livre sous les yeux, pour modèle, et je n’y ai vu que les mauvais choix… Les codes y sont trop compliqués, ça manque un peu de classe… Je ne crache pas dessus puisqu’au moment où le livre est sorti, je l’aimais bien cette maquette. Et puis, on en a suffisamment bavé pour obtenir ce qu’on voulait ! Mais voilà, aujourd’hui je la regarde comme un péché de jeunesse… En espérant que la prochaine sera mieux…
Le livre va s’ouvrir sur la reproduction d’une lettre que Loisel a écrite à son père en 78. C’est une sorte de testament moral où il essaie de lui expliquer ses envies, sa passion pour le dessin.
Et puis, lundi matin, j’ai reçu un coup de fil de mon bel ami Gibrat à qui j’ai donné à lire le premier chapitre. J’ai pris mon courage à deux mains pour soumettre à son avis très critique mon travail… Quel bonheur : pendant 30 minutes, il n’a fait que me parler de ce que les propos de Loisel suscitaient en lui, et absolument pas de la forme. Quand je l’ai interrogé à propos de celle-ci, il m’a répondu qu’il a du lire spécialement les questions pour comprendre comment j’avais réussi à embarquer la discussion dans ces orientations là. J’en ai vaniteusement conclu que la lecture est fluide et que, comme j’en avais le souci, j’ai su rester à ma place d’intervieweuse… Moi je prends ça comme un compliment. Et puis, alors que de mon côté, je me demandais quel intérêt pouvait trouver un auteur accompli à lire nos propos ( tellement il me semble qu’ils sont des poncifs du genre… ), lui il se demandait quel intérêt pouvait y trouver les lecteurs !!! A sa question, je n’ai aucun doute sur la réponse : c’est vraiment diablement intéressant de rentrer dans la tête d’un créateur de cette stature, même quand on ne l’est pas soi-même. Et je me rends compte combien sa philosophie du dessin est applicable à la vie, au sens large. Il nous donne donc une belle leçon de savoir-vire, l’air de rien. Par contre, j’ai demandé à Gibrat s’il n’y avait pas des points où, finalement, Loisel ne lui apprenait pas grand chose sur le métier. A ça, il m’a répondu qu’il se rendait compte qu’il n’était pas tout seul à se poser certaines questions…
En l’écoutant se positionner par rapport aux propos de Loisel, l’idée m’est venue de lui demander s’il ne voulait pas que j’organise un dîner avec lui où, à la manière de ces magnifiques entretiens « Hitchcock/ Truffaut », ils échangeraient leurs points de vue sur leur travail… Ca ferait un splendide chapitre, non ? Moi, j’en suis persuadée. Et tant pis pour le travail supplémentaire que ça me donnera, je ne suis plus à ça près ! Pour que cela se réalise, il devra relire les 6 albums de « Peter Pan » avant la prochaine venue de Loisel en France pour finir notre ouvrage, fin juin, et il n’est pas certain d’en avoir le temps. Mais comptez sur moi pour faire mon possible pour que cela se fasse. C’est trop tentant !
Diable, j’ai été très bavarde cet après midi. Sans doute parce que j’ai décidé de m’organiser autrement dans mon travail, sous peine de mourir de fatigue avant la fin du livre… Les siestes de mes enfants sont donc consacrées à tous les à-côtés du livre ( contacts divers, carnet de bord, mail, etc) et les soirées, à retranscrire les entretiens. Je suis arrivée à un point de fatigue extrême, à la limite du surmenage, et je dois agir au plus vite !
Au fait, avec le maquettiste, nous avons choisi de consacrer une double page entière à vos hommages à vous. J’en ai reçu quelques uns, et je trouve votre démarche tellement émouvante et sincère qu’elle montre bien la qualité de relation entre Loisel et ses lecteurs. C’est vraiment très passionnels, et je ne suis pas certaine que tous les auteurs vivent ça. Cette idée de vous faire une place dans mon livre plait aussi beaucoup au Grand Maître de céans ( ! ). Les premiers arrivés étant les premiers placés, ne tardez pas trop à m’en envoyer si vous en avez déjà fait, ou si l’envie vous prend. L’idée n’est pas de privilégier la qualité mais plutôt de témoigner de votre attachement à son univers. Qu’on se le dise.
Comme me le disais dans son dernier message Alain-le-subtil, en réponse à mon impression de ne plus maîtriser grand-chose dans l’élaboration de ce livre : « tu es en train de vivre la partie improvisée (en duo) d'une musicienne. La partition étant déjà notée, tu peux te livrer sans retenue à de nouveaux accords, de nouveaux sons, de nouvelles colorations en réponse à la mélodie de Régis, qui elle aussi se transforme... ». Comme son regard est juste, et comme il écrit bien ! Décidément, je suis entourée par des esprits haut-de-gamme, et ça, c’est sacrément précieux pour garder le cap.
A bientôt,
Christelle